Un des non-dits du Web social : le data mining

Dans l'économie qui précédait, les agences de publicité incitaient leurs annonceurs à maintenir la pression sur leurs clients dans des manifestations sacrificielles d'argent qui impressionnaient le bon sens, le message global s'en trouvait parfois renforcé.
Comme annoncé dans mon billet précédent, la publicité a perdu avec la venue des réseaux de son impact. Une des raisons est que le nombre de messages auxquels nous sommes soumis quotidiennement dépassent les capacités raisonnables d'attention de l'être humain. Et que le surfer habitué des bannières sait automatiquement, à la lecture, faire abstraction des zones publicitaires qui se révèlent d'un poids inutile pour un jugement rapide du contenu de la page.
Il semble alors naturel de revenir à une notion plus limitée et plus comptable de l'interaction entre l'homme et l'entreprise, plus petite-bourgeoise et c'est le chemin verdoyant dans lequel les amis du Web social aimeraient nous faire progresser.
Ce qui se profile à l'heure actuelle est la capacité d'intervenir ici et maintenant, et à propos, dans la vie de tout un chacun, dans ses loisirs, son intimité, sa profession.
Les bons exemples ne manquent pas comme celui proposé par Google de pratiquer une recherche de candidats pour un poste, non par exposition d'annonces en ligne, mais par injection ciblée d'un unique lien publicitaire, ou pour une entreprise d'utiliser la base de donnée professionnelle Linkedin pour faire passer cette même offre d'emploi ou un autre type de proposition d'affaire.
Nous pouvons aller beaucoup plus avant en écoutant cette présentation d'Eben Moglen, à propos du Web social.
Le Web social tel qu'on l'expérimente est devenu une machine à collecter des données sur nos déplacements sur Internet. Vous payez les services avec vos données, données au sens large, c'est à dire même celles qui sont un enregistrement de vos habitudes sur ces réseaux.
Pour cela on fait généralement appel aux traces (logs) que vous laissez sur les serveurs, ou à des applications contenues dans les pages.
Il faut en effet avoir conscience que lorsque l'on se connecte sur Facebook, toute notre navigation au sein de ce site est enregistrée, et disponible pour analyse ou data mining.
Il faut distinguer ces traces que nous laissons sur ces sites sans y porter attention d'avec le contenu volontaire que nous exposons et que nous sommes à même de contrôler.
Ses traces révèlent non l'image sociale que nous tentons de rendre cohérente dans ce que nous laissons apparaître, elles en disent plus long sur notre intimité, nos faiblesses, nos appétits, nos moments de vulnérabilité.
On apprend, par exemple, qu'il existe déjà un jeu entre les opérateurs du site Facebook qui est de prévoir les prochaines affaires amoureuses de certains de leurs utilisateurs, en observant le temps qu'une des personnes passe sur le profil de l'être aimé.
Si nous poursuivons cette logique à son extrémité, nous pouvons très bien imaginer que ces sites finissent par posséder les informations nécessaires pour pouvoir atteindre un homme politique ou un juge au moment où il doit rendre une importante décision, ou distraire certaines catégories de la population le jour d'un vote.
Nous arrivons donc à un système où la population dans son ensemble livrera des leviers d'influence décisifs sur ses comportements entre les mains d'intérêts privés.
Un autre point intéressant d'Eben Moglen est celui que le Capitalisme tend toujours à orchestrer son inévitabilité pour gagner en maximum d'efficacité économique. C'est à dire qu'il faut pouvoir détourner le client potentiel d'un espace non marchande pour le rendre fidèle. La télévision, le spectacle, l'entertainment, ont permis d'attirer les gens sur les spots publicitaires ou de les éduquer en tant que consommateur. Les sites sociaux ont cette particularité remarquable de se rendre inévitable par le fait qu'ils deviennent les espaces de contacts privélégiés en ligne avec nos amis, notre famille, nos relations professionnelles, et qu'une personne désirant s'extraire de ces jeux sera à un moment ou un autre rappelé par la communauté.
Il ne s'agit pas ici de porter un coup au Web social, mais dans cet univers décrit comme merveilleux et souvent associé à des valeurs de démocratie, de savoir faire la différence entre des usages profitables de la technologie acceptables pour le bien commun, et des usages qui ne sont pas neutres mais terriblement pervers.
La cerise sur le gateau est que le monde de l'entreprise si nous ni prêtons attention, n'échappera pas non plus au data mining, dans une vidéo récente du sommet postée sur youtube, Rita Mc Grath décrit la possibilité technologique pour les entreprises actuelles de se doter de "Total Recall Systems" , c'est à dire en filmant en permanence les espaces de travail formels ou informels,  de pouvoir constituer une mémoire de l'entreprise qui pourra être explorée ultérieurement, soit pour des raisons négatives, détecter les personnes qui ne sont pas 100% à leur place dans leur travail, soit pour des raisons plus "positives", s'interroger et faire une enquête sur les moyens d'améliorer les processus d'innovation au sein de ses propres services.

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