Anti-datisme ou "to be or not to be" porte-flingue

Une nouvelle technique est à l'œuvre chez certaines femmes politiques : aller chercher en s'exposant les conditions médiatiques de leur propre victimisation.
Lorsque le célèbre blogueur Maitre Eolas parle de "pétage de plombs ou de cable" à propos des derniers communiqués de presse de Rachida Dati (communiqués qui ne sont qu'une passe d'arme personnelle entre elle et Elisabeth Guigou, comme le montre sans ambigüité Aliocha), il ne se rend pas compte qu'il tombe dans un piège assez récurrent, celui que Ségolène Royal tend inlassablement aux hommes du sérail. Ces derniers, encore emprunts d'une certaine lourdeur masculine, ne semblent pas d'ailleurs avoir complètement compris l'utilité de ce mécanisme.
Frédéric Lefebvre aussi s'y est complu – après tout il a été désigné pour ce rôle de porte-flingue médiatique - emboîtant le pas à certains socialistes qui, sous le manteau, lors de la présidentielle, évoquaient comme explication aux saillies de la candidate, l'hypothèse d'une fragile santé psychique. Mais ces jugements outranciers ont-ils plus gêné Ségolène Royal que participé à l'épanouissement de son aura en opposition aux autres offres politiques de son parti ?
Je ne dis pas que ces cibles ne méritent pas en toute bonne foi et raison les attaques et remontrances publiques qu'elles essuient. Je pense même qu'elles ont l'instinct de ces fautes de parcours qui n'en sont pas, qu'elles finissent par en apprécier le pouvoir de confusion que cela crée sur l'opinion. Surtout si elles arrivent à forcer d'agressivité les traits d'esprit de leur détracteurs, puis en les faisant croître et multiplier, donner l'image d'une inutile et blessante persécution à leur égard.
Au bout du compte, elles sentent cette latitude de provocation et cette liberté de ton accordée depuis fort longtemps par la sacralisation de la femme dans la société française. Le thème de la femme indignée, est encore très populaire dans un pays qui a su acquitter une femme ayant assassiné un directeur de presse pour protéger l'honneur de son couple.
A l'évidence, Maître Eolas n'est pas de ce bord de la troisième république, mais il est victime historiquement d'une autre forme de perte, celle de repères du à son positionnement, car c'est à cela que mène l'ultime socialisation démocratique de l'individu, la perte non seulement des sens, de l'authenticité, mais aussi du goût ; donc des différences, qui laissent énormément d'espace à la multiplication de ces auto-déterminations aristocratiques qui paraissent insupportables, par manque de vertu bourgeoise, à nos érudits grecs ou latins.
Le monde change...
Au passage, remarquons la prise de parole et du pouvoir bien féminine au Parti Socialiste : face à la difficulté d'existence de cette organisation dans des élections nationales (compensée par un enracinement local exceptionnel) quelles personnes voyons nous résister et s'exprimer le plus fièrement ? Des femmes, Martine Aubry, Elisabeth Guigou, Najat Belkacem, et Ségolène Royal, comme immunisées de la toxicité des débats médiatiques et qui ne réclament aucune protection particulière.
On devrait s'interroger aussi sur cette intelligente douceur dans l'obstination de Rama, la bonhommie craquante de Fadela, le bon sens populaire d'une marchande de quatre saisons chez Nadine. Chacune de ces attitudes génère des sympathies irrationnelles dans la société, et vouloir s'y attaquer de front, s'est s'exposer à un jugement silencieux et incontrôlable d'une part de l'électorat.
Pendant ce temps, une jeune génération de parisiens, nomades, s'impatiente aux portes du pouvoir. Si la percée ne s'effectue pas avant 2012, ils ne seront pas prêts de toucher leurs postes de conseillers auprès d'un exécutif de gauche, loins de rentabiliser leur bénévolat au sein de Think Tanks.
Ils risquent de louper le carosse qui devait les mener à leurs émois futurs. Ils devront attendre 2017. Et leur impatience ainsi que leur attentisme réservé, les dessert autant que faire se peut. 
Je doute de toute façon qu'ils n'entraînent pas plus de sympathie profonde dans l'agora républicaine au-delà de leur arrondissement, ou de la minute qui suit le règlement de leur facture chez la crémière bio.
Donc leur militantisme 1.0 continue en ligne, à développer un discours de pure opposition qui n'inspire ni le rassemblement, ni l'échange, ni la responsabilisation, surtout au travers d'un anonymat de confort. De plus, les derniers chiffres sont là, exposés par les Echos, à quelques semaines des élections européennes, il faudra se montrer autrement inventif pour en inverser la tendance ou espérer une surprise de dernière minute dans un scrutin d'abstention record.
Je n'aurais qu'un point de départ à leur donner pour la nécessaire reconquête : laissez l'exercice et l'art de la gâchette aux porte-flingues (eux, savent pourquoi on les a nommés) et soyez généreux envers vos ennemies, au moins vous éviterez de travailler à leur élection ou en ancrant leur popularité de si belle manière.

Commentaires

  1. Assez d'accord avec votre point de vue.

    Concernant votre citation du cas de l'épouse Maillaux, je vous signale "La Religion du poignard, Éloge de Charlotte Corday", dernier livre de M. Onfray (Ed. Galilée), si vous ne l'avez pas déjà lu.

    L'auteur semble y défendre un mode d'action bcp plus radicale que la louable défense de la générosité que vous prônez.

    J'aimerais bien avoir votre sentiment sur l'argument de ce petit livre (80 pages).

    Cordialement

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  2. Bonjour, merci d'être passé.
    Pour le livre sur Charlotte Corday, je ne peux hélas pas vous répondre, je ne l'ai pas lu.
    Je ne crois pas aux modes d'actions radicaux engageant la violence même verbale.
    Ce qui m'occupe n'est pas de savoir non plus qui a raison sur un plan moral ou éthique, mais que s'il existe, aujourd'hui, une possibilité de renverser une tendance politique ce n'est pas en employant une forme de contrainte.
    C'est pour cela qu'il vaut mieux se montrer généreux vis à vis de ses ennemis, plutôt que de se retrouver contre-productif à s'opposer.
    Ce serait déjà le premier pas raisonnable à faire.
    Si on ne nous parle plus de réinventer le politique, c'est que justement, il ne s'agit que de cela. Mais pas d'une réinvention sur un mode "alter".
    Ce qui est comique, c'est d'avoir investi et de continuer d'investir des milliards d'euros dans l'éducation, sans tirer de conséquences sur la manière de s'adresser à un ensemble de personnes forcément plus évoluées et autonomes dans leur détail et leur ensemble.
    Et les recettes tirées de l'histoire n'ont plus de sens, tout comme les anciens défis de liberté (différence sexuelle ou raciale, de religion, etc.) sont derrière nous. Ce n'est pas que nous ayons perdu ces valeurs, mais il faut dépasser ce stade et avancer à présent sur d'autres plans.
    C'est à dire comment investir à présent les gens dans le champ politque, leur faire toucher du doigt leur part de responsabilité commune dans la cité.

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