Constat d'aspects du 2.0 tombés en désuétude, mode de la "gamification"

Cet article n'est pas théorique.
Je me disais à quel point nous approchons parfois du non-sens dans l'utilisation d'outils sur lesquels nous n'avons plus de réflexion parce qu'ils paraissent évidents.

En tant que blogueur, une fois inscrit, il y a très longtemps, à Wikio parce que tout le monde le faisait, j'ai reçu un aimable courrier automatique d'une Community Manager de ce site de classement et qui argumente de la façon suivante la pose de leur bouton de référencement sur mon site :
"Saviez-vous que celui-ci [le bouton en question] permettrait à vos lecteurs de voter pour vos articles mais également de partager vos articles sur Twitter ce qui est désormais pris en compte par notre algorithme? Utilisé à bon escient, ce bouton de partage ne pourra qu'être bénéfique pour la visibilité de votre blog et vous permettra de grimper dans les classements!"
Très intéressant, nous avançons là dans la mode récente de la "gamification" du Web sous couvert du prétexte "Web social."
Qu'est ce que la "gamification" ? le dernier trésor supposé et trouvé par les marketeurs ou PR Web est d'exprimer la relation avec leurs acteurs en les faisant participer à des formes de jeu. L'objectif de ces jeux étant la distribution de médailles ou de titres virtuels divers à leurs clients.

Un article de spécialistes des jeux hors et en réseau explique de manière très concrète qu'il s'agit là d'une illusion désastreuse ; que dans la relation entre maître et concepteur du jeu avec leurs joueurs, la qualité et le plaisir se trouvent dans la proposition d'un contenu fort de jeu et non pas dans la distribution de récompenses au bout du compte sans grande signification.

Dans notre exemple, la récompense de Wikio est le classement, toujours plus de classement.
Mais en quoi le classement m'importe-t-il ? ce qui m'importe c'est de trouver et d'établir des passerelles avec des gens qui partagent parfois les mêmes interrogations que moi et qui prennent ce plaisir à me lire, comme j'aurais un vif intérêt à les lire dans les commentaires.
Maintenant, si Wikio est autant intéressé que moi dans l'expression de la relation sur le Web, c'est à dire dans le social, c'est sur ce point qu'il devrait venir en soutien et non pas me classer dans des catégories formelles avec une médaille dans le classement à la clé.
S'il y a un jeu avec lequel j'aimerais me prêter avec eux c'est de pouvoir alimenter et nourrir les passerelles avec d'autres que je ne connais pas encore et non de bénéficier d'une audience distraite !
Leur survie sur le long terme dans leur métier est peut-être à ce prix.

Deux choses qu'il faut retenir de cette analogie :
Premièrement, il est bon de recevoir des courriers automatiques pour se rendre compte du type de relation socialement inexistante qu'on entretient avec des "partenaires" de notre expression Web.
Simple, je mesure l'intérêt que Wikio porte à mon blog par le fait qu'il daigne m'envoyer un courrier automatique.
Tout est dit dans l'action.
Il s'agit de la même qualité de relation qu'une centrale de vente par correspondance établirait avec moi en envoyant un courrier publicitaire me proposant un cadeau gratuit.

Comparez la démarche de Wikio avec Google ou Twitter, qui n'ont jamais eu besoin de m'envoyer de courrier équivalent dans l'espace des fonctionnalités que je partage avec eux. Et vous aurez une juste mesure de l'écart de pertinence dans la relation client qui sépare un mode PR/Marketing industriel avec un véritable acteur du Web, que ce dernier se proclame social ou non.

Deuxièmement, il faut en permanence remettre en question ses outils sur le Web, surtout s'ils nous paraissent invisibles parce qu'à un moment ils incarnaient l'évidence et que nous avons continué intérieurement, des années après, à les considérer comme allant de soi sans autre forme de validation.

Pour finir sur une note d'humour, revenons à nos amis lointains de la Grèce antique, Plutarque par exemple, qui commence ainsi son chapitre sur le bavardage :
Le moyen de se guérir de cette maladie [le bavardage] c'est d'écouter. Or les bavards n'écoutent jamais. Il parlent toujours ; et le premier mal de leur intempérance de langue, c'est qu'elles les empêchent de rien entendre.
Il reste comme tâche aux plus fins, aux plus habiles, de combler ce retard d'écoute et d'entrer, il est temps, dans le Web social.

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