Le service de l'Etat, tel qu'il n'est plus envisagé

Je viens de tomber sur un article du brillant Authueil, sur la fin de la politique étrangère de la France, telle que nous l'aimions.
Il me semble qu'un nombre de croyances toxiques y sont exposées. 
Croyances révélatrices de l'incapacité du personnel politique (sur toute l'étendue du spectre droite-gauche, ne faisons pas la fine bouche) à pouvoir trancher les dilemmes que toutes les institutions connaissent aujourd'hui. 
Car ce n'est pas trancher que de dire qu'on ne peut pas.
Regardons de plus près

Lorsque je lis :
"Personnellement, j'approuve le tournant diplomatique de 2007. La France n'a plus les moyens d'avoir une politique étrangère de grande puissance. On doit se concentrer sur quelques points forts et arrêter de vouloir intervenir sur tout. J'approuve aussi ce tournant car j'y vois la volonté de mettre fin, du moins de mettre en sourdine, une arrogance française qui nous fait du tort, et qui est justement très bien incarnée par nos diplomates."
Ce que je traduis en substance, c'est que nous, Français, ne sommes pas plus autorisés que d'autres à faire entendre notre voix, ce qui s'entend souvent comme, vous n'êtes plus autorisé à faire entendre votre propre voix.
Et vous n'en avez plus les moyens, l'appel au principe de réalité est touchant considérant la profondeur du portefeuille de français, mais un peu sec. Je traduis encore : "vous, les français, vous souhaitez une politique étrangère dont vous soyez fier, eh bien sachez que mes conseillers d'exceptions et moi, ne pouvons faire mieux que ce que la contribution nationale nous autorise dans ses limites." on peut rêver mieux comme discours pour perdre 2012, mais il faut avouer que là , nous sommes sur la bonne voie.

C'est aussi conclure que cette voix n'est pas de la responsabilité de la structure diplomatique, qui a ses chefs, légalement introduits par le suffrage universel. Je comprends que la missive désespérée et anonyme qui a été publiée par le journal Le Monde, est un appel au secours bien maladroit de fonctionnaires désemparés. A ce titre il ne mérite pas un jugement hautain, impérieux.

Cependant, il ne faudrait pas croire qu'en démocratie comme dans d'autres régimes, tels que la monarchie, la parole du chef soit indépendante du regard collectif ou soit automatiquement légitime lorsqu'elle ne rencontre pas l'assentiment général.

Les bourdes (car il faut bien appeler un chat un chat) de Michèle Alliot-Marie ne sont pas des espèces sonnantes trébuchantes et elles ont tout fait pour ne pas calmer le jeu ; on peut donc sereinement avancer que dans un ordre inverse, l'intelligence, la subtilité et l'adresse, puissent soulever des montagnes sans bourse délier.
L'incompétence et le rétrécissement de la pensée ne peuvent être considérés uniquement que parce que le service politique manque de moyens et doit faire profil bas en conséquence. Un train ne peut en cacher un autre, et la décision de maintenir un ministre contre vents et marées est aussi de l'ordre de l'incompréhensible pour le peuple : les cotes de popularité en font foi.

Le parlementaire, le ministre, leurs assistants et conseillers ne délivrent pas un service attendu à la hauteur des moyens attribués. Ce ne sont pas des guichetiers, ce ne sont pas des travailleurs comme les autres, ils ont le droit et même l'urgence de lever le nez de leurs dossiers pour faire face au monde d'une autre façon et avec imagination.
Finalement ce que révèlent en choeur les diplomates anonymes et Authueil ne sont que les deux faces d'une même pièce, un service de l’État qui s'auto-dévalorise par ce qu'on y a substitué l'esprit par la quantité d'artiche, blé, brouzouf, pognon en dessous de laquelle "il n'est vraiment plus possible de bosser convenablement."

L'aveu d'impuissance en politique est une faute lourde. Lionel Jospin en a fait la triste expérience. L'aveu de faiblesse jamais car il conserve à tout le moins la capacité de déclencher l'empathie par l'impression de modestie qu'il induit.

Commentaires